A la recherche du bonheur perdu?
Par Carine Viac, OCDE
Lors du sommet du G20 le mois dernier, le Secrétaire Général de l'OCDE déclarait que la zone euro représentait «le plus grand risque pour l'économie mondiale" tandis que le Président de la Banque Mondiale expliquait que le monde entier « attendait une réponse de l'Europe» Dans le contexte actuel où les pays européens traversent l’une des crises économiques les plus sévères de leur histoire, s’intéresser aux problématiques de bien-être et inciter les gouvernements à prendre des mesures politiques pour améliorer le bien-être des citoyens peut sembler inapproprié.
L’OCDE affirme le contraire et estime que les gouvernements politiques se doivent de considérer les conditions de vie de leurs citoyens et ce d’autant plus dans le contexte actuel. Trois raisons principales sont avancées a cet egard :
Tout d’abord, plus qu’une crise financière et économique, la crise actuelle est avant tout une crise sociale avec des conséquences majeures sur toutes les dimensions du bien-être des individus. Dix-sept millions de personnes sont aujourd’hui au chômage dans la zone euro (plus de 11% de la population active) et la situation est particulièrement alarmante pour les jeunes dont le taux de chômage atteint les 50% en Espagne et en Grèce. Ces mauvais indicateurs permettent d’entrevoir les conséquences dramatiques que la situation actuelle risque d’engendrer sur les individues tant sur les aspects objectifs (diminution des ressources économiques, dégradation des conditions de logement) que subjectifs (manque de confiance en soi, affaiblissement du réseau social et moindre satisfaction de la vie) du bien-être. Plusieurs travaux de recherche ont étudié les effets du chômage de longue durée qui, au-delà de la perte de revenu, impliquent des conséquences négatives sur la santé, physique et psychique, et sur le bien-être subjectif. En effet, le chômage de longue durée peut entraîner exclusion sociale, pauvreté et dénuement. Aujourd’hui, 44% des chômeurs de la zone Euro le sont depuis plus d’un an.
La crise appelle également les décideurs politiques européens à repenser leurs modèles économiques afin d’adopter une approche plus équilibrée qui ne se concentre pas uniquement sur les indicateurs économiques. Beaucoup s’accordent aujourd’hui sur le fait que le rythme de croissance enregistré pendant les Trente Glorieuses est aujourd’hui révolu pour les prochaines décennies et qu’un nouveau modèle doit voir le jour. Renouer avec la croissance reste une priorité pour les pays de la Vieille Europe mais aujourd’hui la qualité de la croissance importe autant que l’évolution des chiffres du PIB. Le moment est ainsi particulièrement idoine pour elaborer de nouveaux modèles économiques qui prennent en compte les dimensions impactant directement le bien-être des personnes et qui ne cantonnent pas uniquement aux données financières et économiques.
Enfin, considérer les onze dimensions du bien-être comme cibles desirables de l’action publique peut s’avérer utile pour élaborer de nouvelles politiques publiques et améliorer les existantes. Par exemple, dans le contexte actuel, il s’agit de mettre en place des actions politiques capables de restaurer une croissance économique tout en minisant les effets négatifs sur la vie quotidienne des concitoyens. Plus précisément, les coupes budgétaires dans l’éducation et la recherche en développement doivent être limitées car ces investissements de long terme ont un impact positif sur le bien-être des individus. Par ailleurs, l’interdépendance et la complexité croissante de nos sociétés incitent les pouvoirs publics à adopter une démarche holistique et multi-dimensionnelle qui dépasse le simple périmètre ministériel pour inclure l’ensemble des ministères concernés par l’action publique. Les recherches menées sur le bien-être peuvent aider les pouvoirs publics à répondre à cette nouvelle contrainte.
En savoir plus
Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2012
Speech by OECD Secretary-General at the B20 summit, Los Cabos, Mexico, 2012
Official website of the G20 summit at Los Cabos, Mexico, 2012
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