Comment mesurer le bonheur (et est-ce si important?)
Le 20 Mars 2013, Journée Internationale du Bonheur, l’OCDE a publié un ensemble détaillé de lignes directricessur le bien-être. Il s’agit essentiellement d’un manuel sur la collecte et la publication d’informations relatives aubien-être subjectif, pour statisticiens (mesures de satisfaction à l’égard de la vie, du bonheur et de concepts similaires). D’aucuns pourraient voir en cette démarche un projet certes louable mais finalement peu passionnant. Quel est l’intérêt de ces recommandations, et pourquoi s’attarder sur un manuel de statistiques si notre profession ne nous y contraint pas ?
(Cet article a été initialement posté sur Wikiprogress ProgBlog )
Deux raisons. La première est liée au message qu’envoient ces lignes directrices sur l’agenda plus large de la mesure du progrès. L’une des principales explications du succès du Produit Intérieur Brut (PIB), est son harmonisation à l’échelle internationale. Les standards internationaux, codifiés dans les Systèmes de comptabilité Nationale ou SCN, procurent un cadre commun d’analyse. Ainsi lorsque l’on compare le PIB de deux pays différents, tels que l’Islande et le Chili, on compare, pour ainsi dire, des pommes avec des pommes.
Les instruments de mesure des aspects non-économiques du bien-être n’ont pas un tel cadre commun d’analyse. En 2009, la commission Sen/Stiglitz/Fitoussi a souligné l’importance d’une transition du statut de la mesure de la qualité de vie « de la recherche à la pratique statistique classique ». Parallèlement, le rapportComment va la vie de l’OCDE (2011) affirme que l’agenda futur de la mesure du bien-être doit intégrer sa standardisation. Les lignes directrices de l’OCDE représentent un premier pas crucial vers le développement d’indicateurs de la qualité de vie aussi robustes et comparables que le PIB.
La seconde raison qui témoigne de l’importance de ces lignes directrices, est l’impact révolutionnaire que pourrait avoir la collecte de données comparables sur notre compréhension du bien-être subjectif. Pour l’instant, la plupart de ce que nous savons du bien-être est dérivé de la recherche académique et d’enquêtes d’opinion basées sur des échantillons limités (souvent 1000 personnes). Les statistiques officielles, en revanche, ont elles tendance à impliquer des échantillons de milliers, dizaines de milliers, voire même centaines de milliers de personnes. Par exemple, l’Office statistique national officiel du Royaume-Uni a recueilli des informations sur le bien-être subjectif de plus de 165 000 participants lors de son enquête de population annuelle en 2011/2012.
La dernière décennie a vu la mesure du bien-être subjectif prendre une place centrale (après n’avoir été qu’un intérêt académique de niche) dans la recherche sur la mesure du progrès des sociétés. Avec le développement de statistiques officielles de qualité sur le bien-être subjectif, la décennie qui vient promet d’être encore plus passionnante.
Conal Smith, OCDE.
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