Homo Economicus
“No man is an island entire of itself” (« Aucun être humain n'est une île isolée ») –comment interpréter cette expression aujourd’hui, pris dans nos économies compétitives et nos sociétés de réalité virtuelle?
Le PIB est imparfait en tant qu’instrument de mesure du bonheur. Bien que plus riches, de nombreux pays affichent aujourd’hui des niveaux de bien-être inférieurs à ceux exprimés il y a 50 ans. Richard Easterlin en 1974, fut l’un des premiers économistes à suggérer que l’accroissement de la richesse d’un pays ne s’accompagne pas nécessairement d’un bien-être plus important. L’économiste s’est plus récemment penché sur la question du bien-être en Chine, où le niveau de revenu par habitant a été multiplié par quatre au cours des deux dernières décennies, mais où les niveaux de bien-être ont stagné.
Comment expliquer ce paradoxe? C’est l’une des principales questions qui émergent de la présentation de Daniel Cohen sur son dernier ouvrage Homo Economicus à l’OCDE. Notre capacité d’adaptation est au cœur du paradoxe. Elle pourrait être une force, mais elle implique également que nous nous habituons à la richesse et au confort. L’appréciation et l’impact positif de la richesse s’estompent donc rapidement. Un autre élément de réponse est la relativité de notre perception de la richesse, qui est comparative et non absolue. Karl Marx en fait une analogie très simple : « Une maison peut être grande ou petite, tant que les maisons environnantes sont petites elles aussi, elle satisfait à tout ce que l’on exige socialement d’une maison. Mais s’il s’élève à côté de la petite maison un palais, voilà que la petite maison se ravale au rang de la chaumière. » Nous nous comparons sans cesse aux autres: à nos amis, familles ou collègues. Si les français tendent à comparer leur situation à celle de leurs amis, les citoyens américains se concentrent eux généralement sur leurs collègues de travail. Alors que notre groupe de référence s’enrichit, nous nous engageons dans une course infinie pour plus de richesse, contribuant ainsi à une société plus matérialiste.
Daniel Cohen poursuit en comparant notre société à celle de l’Empire romain du 3ème siècle, sa perte de valeurs civiques et son goût marqué pour la richesse individuelle ostentatoire aux dépens de l’esprit de communauté. Avons-nous besoin d’être intégré dans une communauté pour être heureux ? Dans Bowling alone l’analyste politique Robert Putnam décrit le déclin de la communauté américaine, qu’il illustre par la chute du nombre de ligues de bowling, et ce, malgré un nombre croissant de joueurs individuels. Ce déclin général des activités communales et de la confiance sociale, pourrait être responsable d’une réduction plus globale du bien-être.
Dans son poème cité en introduction, John Donne (1572 - 1631) poursuit avec les mots suivants : « Je suis solidaire du genre humain ». Comme nous le sommes tous, par nécessité. C’est pour cette raison que les « liens sociaux » sont au cœur de l’indicateur du vivre mieux.
Commentaires
raa on December 20, 2013
enlightening