Le Bien-être ou l’Art de Mesurer l’Invisible
Par Romina Boarini, OCDE
“Voici mon secret. Il est très simple: on ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux.” Ainsi s’exprimait, à raison, le Petit Prince d’Antoine de Saint Exupéry.
Bien des choses essentielles à nos vies, l’amitié, la confiance envers l’autre, les valeurs que nous portons, la liberté d’être et de faire, et même l’air que nous respirons, sont invisibles à l’œil nu.
Et pourtant, peu sont ceux qui oseraient affirmer que ces choses n’ont que peu de valeur, et nombreux sont les autres, prêts à tout pour trouver un ami fidèle, se battre pour une cause à vocation humanitaire ou vivre dans un endroit où l’on a la confiance des autres et où l’on peut accorder la sienne.
Mesurer le bien-être, un objectif poursuivi de manière rigoureuse et méthodique par de plus en plus de scientifiques dans le monde, ainsi que par des organisations telles que l’OCDE, est en quelque sorte l’Art de mesurer l’Invisible. Les travaux sur les mesures de bien-être partent du constat que ce qui est traditionnellement mesuré pour guider les décideurs publics vers l’amélioration de la vie des citoyens, passe à côté de bon nombre de choses.
Certes, il est objectivement plus difficile de mesurer l’invisible que de comptabiliser des biens échangés sur un marché. Les prix reflètent, bien qu’imparfaitement, nos préférences, par exemple pour s’acheter un smart phone plutôt qu’un billet Eurostar en première, pour une pizza plutôt que pour des nouilles chinoises. Mais il n’y a pas de marché pour l’amitié, ni pour s’assurer que la prochaine fois que vous perdrez votre porte-monnaie dans la rue, votre voisin vous le retournera avec la même somme à l’intérieur. Mais après tout, les marchés et transactions financières ne sont que des mécanismes conventionnels, qui permettent d’obtenir ce que l’on veut et ce dont on a besoin. Conventionnel parce que les êtres humains les ont créés de toute pièce; la valeur de l’argent n’est pas inscrite dans nos cerveaux plus que celle de la confiance, l’altruisme ne le soient.
Mesurer le bien-être n’a pas pour but de créer de nouveaux marchés. Un de ses objectifs, cependant, est la création de nouvelles conventions et d’instruments permettant d’évaluer des aspects de nos vies qui apportent du bonheur, de la sécurité, et même de la croissance économique.
Pourquoi est-ce si important? Parce que nous devrions mesurer ce qui nous importe véritablement, et que nous souhaitons obtenir en fin de compte. Aujourd’hui malheureusement c’est l’inverse, et nous n’avons que ce qui est facilement mesurable.
Les mesures conventionnelles devraient être redéfinies si nous voulons mener ce changement mais aussi préserver ce qui nous importe le plus.
C’est ici que démarre l’Initiative du Vivre Mieux. Bâtie à partir de nombreuses années de recherche et de travail à travers le monde sur l’art et, de plus en plus, la science de mesurer l’invisible, elle quantifie cet invisible à travers des indicateurs de ce qui constitue une vie meilleure. Ces indicateurs, fondés sur des statistiques de très haute qualité recueillies à travers le monde, sont complétées par des informations sur le ressenti d’une vie meilleure, informations relayées par les personnes créant leur propre indicateur du vivre mieux. L’initiative du vivre mieux est un instrument qui rend une vie meilleure possible. Il peut non seulement inspirer et guider les politiques publiques, mais aussi fédérer et encourager les actions sociales et humaines dans la quête de vies meilleures.
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