Égalité Hommes / Femmes : la réalité derrière les clichés ?
Les filles naissent-elles vraiment avec une préférence pour le rose et les poupées et les garçons pour le bleu et les voitures ? Et, si non, comment ces idées se sont-elles progressivement insérées dans nos sociétés? Notre imaginaire est fortement influencé par la publicité. Ainsi, l’image unanimement acceptée aujourd’hui d’un Père Noël, joufflu et jovial, avec une énorme barbe blanche, doit beaucoup à Haddon Hubbard "Sunny" Sundblom, qui a créé cette figure iconique pour Coca-Cola dans les années 1930. Mais est-ce la publicité qui crée ces stéréotypes, ou ne fait-elle que refléter le statu quo ? La discrimination entre garçons et filles à un jeune âge est-elle l’une des premières étapes dans la création d’inégalités telles que les a soulignées Simone de Beauvoir dans « Le deuxième sexe » : « On ne naît pas femme : on le devient » ? Si c’est le cas, la publicité pour jouets peut-elle servir dans la lutte contre les stéréotypes? Cette question a été prise très au sérieux par le distributeur de jouets TOP-TOY, responsable de près de 50 magasins Toys"R"Us en Europe du Nord. Après avoir été critiqué pour sa représentation du « rôle désuet des sexes», le groupe a publié un catalogue totalement neutre, les filles y tirent avec des armes, et des garçons jouent à la poupée. Le magasin de jouets britannique Hamleys, a lui aussi pris une initiative similaire il y a un an, en rendant son magasin « neutre ». Il a en effet été décidé de remplacer l’ensemble des panneaux bleu et rose par des panneaux blancs et organisé les étages selon des thèmes et non plus par sexe.
Une large partie de notre connaissance des préférences des filles et garçons en bas âge est construite, et non pas innée. Pendant des siècles, Les bébés étaient habillés de manière similaire, en blanc, indépendamment de leur sexe. C’est vers la fin du 19ème siècle que l’idée de vêtements de couleurs distinctes pour les filles et les garçons s’est répandue. Mais tandis que le bleu, associé, entre autres, à la Vierge Marie, était préféré pour les filles, le rose était considéré comme étant plus masculin. Le magazine Ladies’ Home Journal le soulignait en 1918: "Il y a eu une grande diversité d’opinion sur le sujet, mais la règle généralement acceptée est : rose pour les garçons et bleu pour les filles. La raison est que le rose étant une couleur plus déterminée et forte, est plus adaptée aux garçons, tandis que le bleu, qui est plus délicat et mignon, est plus joli pour les filles ». Comme les temps ont changé!
Selon une étude menée par le Professeur Melissa Hines de l’Université de Cambridge sur 120 enfants âgés de moins de 2 ans, il n’y a pas de différences innées entre hommes et femmes. Les bébés garçons et les bébés filles préféreraient de manière générale les tonalités roses et les formes plus rondes. À l’âge de 12 mois 57.2% des filles et 56.4% des garçons regardent les poupées avant de regarder d’autres jouets. À l’âge de 24 mois cependant, alors que 52.7% des filles regardent encore les poupées en premier, ce chiffre n’atteint que 47.9% pour les garçons, qui commencent à développer une préférence pour l’image de la voiture. L’étude conclut sur le rôle de « la socialisation ou du développement cognitif des sexes plus que des facteurs innés ».
Mais pouvons nous rendre les poupées coupables de la surreprésentation des femmes dans le secteur des soins ? Les filles élevées dans un monde en rose demeurent plus ambitieuses que les garçons : lorsqu’on leur demande quelle profession elles souhaiteraient exercer vers l’âge de 30 ans, les filles âgées de 15 ans affichent de plus hautes ambitions professionnelles que les garçons. La propension des filles qui espèrent exercer de hautes fonctions telles que législateur, haut fonctionnaire ou cadre supérieur, est supérieure de 11 points de pourcentage à celle des garçons. Pourtant, quand elles arrivent sur le marché du travail, les femmes ont moins de responsabilités que les hommes dans la prise de décision, et ne représentent que 10% des membres des conseils d’administration dans les pays de l’OCDE.
Quels éléments affectent donc la transition entre lycée et monde du travail ? Selon le dernier rapport de l’OCDE « Inégalités hommes-femmes: Il est temps d’agir », les femmes ont plus de difficultés à entrer sur le marché du travail, gagnent moins que les hommes et sont plus susceptibles de travailler à mi-temps.Différentes initiatives ont été mises en place afin de promouvoir l’égalité entre hommes et femmes. La Norvège a imposé des quotas imposés en Norvège : la loi exige désormais la présence d’au moins 40% de femmes dans les conseils d’administration. Mais, un changement des mentalités est également nécessaire. Et celui-ci devrait démarrer à la maison : dans les pays de l’OCDE, les femmes passent plus de temps que les hommes à faire la cuisine, le ménage, et à prendre soin des enfants.
Ces différences sont d’autant plus frappantes que femmes et hommes ont les mêmes priorités. Lorsqu’ils utilisent l’indicateur du vivre-mieux hommes et femmes indiquent les mêmes préférences, avec la satisfaction à l’égard de la vie, la santé et l’éducation qui arrivent en tête!
Souder l’écart entre hommes et femmes prendra du temps. Après s’être débarrassé des panneaux « fille » et « garçon » perçus comme discriminatoires, Hamleys est retourné à l’usage du « rose » et du « bleu » pour différencier les étages. La confusion entrainée par le manque d’information était trop grande.
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