Réalité objective vs réalité perçue: Guadalajara
Auteur invité
Comment mesurer notre qualité de vie? Le rapport du programme ONU-habitat "L’état des villes du monde 2012-2013 : la prospérité des villes", classe les villes selon des critères aussi variés que la durabilité environnementale, l’intégration et l’équité sociale, le niveau de productivité, les infrastructures et la qualité de vie. Mais quelle est la part de notre environnement et celle de nos perceptions dans notre épanouissement?
Une enquête récente sur la qualité de vie des citoyens à Guadalajara, Mexico, menée par une ONG localeJalisco Cómo Vamos, a révélé un très fort sentiment de prospérité. Ainsi, 67% de la population s’est déclarée prospère. Jalisco Cómo Vamos s’est appuyé sur l’échelle de Cantril (initialement développée par Hadley Cantril et utilisée par Gallup pour son enquête globale sur le bien-être subjectif) afin de démontrer qu’en 2012 les habitants de Guadalajara avaient un sentiment de prospérité plus proche de la moyenne Gallup du Canada que de celle du Mexique. Selon l’enquête Gallup de 2011, le Canada était deuxième derrière le Danemark en termes de “satisfaction”, c’est-à-dire de “bien-être qui est fort, constant, et qui progresse”, avec 69%, tandis que le Mexique était 25ème, derrière d’autres pays d’Amérique latine tels que le Brésil, le Costa Rica, le Panama, l’Argentine, le Venezuela ou la Colombie.
Comment est-ce possible qu’une ville si éloignée des standards économiques, d’infrastructure ou institutionnels du Danemark ou du Canada, et qui fait face à de grands défis d’inégalité, de pauvreté et d’insécurité, affiche un tel niveau de satisfaction à l’égard de la vie, de prospérité et de bonheur ? Pour répondre à cette question, valable pour de nombreuses villes d’Amérique latine, il faut prendre en compte l’écart entre réalité matérielle objective et sentiments subjectifs.
Dans le cas de Guadalajara, les citoyens compensent les faiblesses institutionnelles et difficultés économiques, environnementales et de sécurité avec de forts liens familiaux et amicaux, une attitude travailleuse, optimiste et spontanée, fière et appréciant une ville qui offre un climat agréable et la promesse d’un bonheur futur. Et certains de ces sentiments semblent s’accroître: si 40% de la population déclarait avoir quelqu’un sur qui compter en cas de besoin en 2011, ce chiffre est passé à 57% en 2012.
Ainsi, bien-être et progrès matériel objectifs ne représentent pas l’intégralité du sentiment de prospérité et de bien-être au sein d’une société ; de la même manière, notre perception psychosociale et culturelle de la réalité, ne capture pas la plupart des opportunités et difficultés auxquelles font face les sociétés et ne peut donc pas guider les politiques publiques. Seule une combinaison de ces 2 visions, objective et subjective, permet de comprendre l’ensemble des réalités d’une société et d’élaborer des politiques publiques adaptées à ses objectifs sociaux.
La peur d’être attaqué a un impact sur le sentiment d’insécurité, et donc sur la qualité de vie des citoyens, aussi important que d’être victime d’un crime; l’espoir d’un avenir professionnel autant que les sources actuelles d’emploi; une espérance de vie élevée autant que le fait de vivre heureux et sans stress.
À propos de l’auteur
Víctor Ortiz Ortega, chercheur-coordinateur chez Jalisco Cómo Vamos. Victor est un administrateur public, spécialisé dans le domaine des études urbaines et politiques sociales. Il a travaillé pour le secteur public en tant que fonctionnaire au gouvernment et universitaire, pour le secteur privé en tant qu’enseignant et consultant, et pour différentes organisations de la société civile en tant que chercheur et chargé de projet.
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L’état des villes du monde 2012-2013 : la prospérité des villes
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